Les islamistes ne sont pas assez musulmans, c'est-à-dire, selon l'étymologie, soumis à Dieu. Ils seraient plutôt soumis au monde. Les opérations suicides, surtout, ne sont que l'effervescence de la tiédeur : on ne supporte pas la longueur du combat, on cherche le repos au plus vite, et de même que le bourgeois croit atteindre le bonheur par son argent, l'homme-bombe pense s'ouvrir le ciel à coups d'explosifs.
La première lâcheté, ici, c'est de ne même pas rester pour assumer les conséquences de son acte. Le "volontaire de la mort" est en vérité un fuyard. Il craint de regarder son crime en face. [...] Ensuite, l'homme-bombe prétend s'ériger contre la société marchande et spectaculaire, mais il lui est assujetti.
De fait, cette société récupère spécialement le spectacle du terrorisme. Il lui procure des milliers d'heures d'images et d'émissions captivantes. Elles égayent les soirées familiales autour des raviers de pop-corn et de chips. Elles font monter le prix des espaces publicitaires. Si bien que l'opération suicide se change en opération commerciale, et l'homme-bombe devient lui-même une marchandise. Au reste, sa récupération est volontaire : "les terroristes veulent beaucoup de spectateurs, et non beaucoup de morts" (Brian Jenkins)
Le nombre des victimes n'a de valeur que dans la mesure où il fait monter l'audience. Un égorgement bien diffusé vaut mieux que cent mille morts sans caméra. [...]
Le terroriste islamiste croit être soumis à la loi de Dieu, mais il est soumis et soumet les autres à la loi du marché. Il croit être l'adversaire de l'Occident capitaliste et impie, et il n'en est que le reflet.
Le nombre des victimes n'a de valeur que dans la mesure où il fait monter l'audience. Un égorgement bien diffusé vaut mieux que cent mille morts sans caméra. [...]
Le terroriste islamiste croit être soumis à la loi de Dieu, mais il est soumis et soumet les autres à la loi du marché. Il croit être l'adversaire de l'Occident capitaliste et impie, et il n'en est que le reflet.
Enfin, l'homme-bombe manque de zèle et de foi.
Il tue des innocents, sans doute, mais même s'il devait tuer des criminels, le zèle pour Dieu eût été de leur laisser le temps de faire acte de contrition. De les disposer à une conversion libre et intime, dont seul Allah connaît les délais et pèse la valeur. La bombe ne les atteint qu'en surface. Pour les toucher au coeur, il faudrait provoquer leur amour.
Il tue des innocents, sans doute, mais même s'il devait tuer des criminels, le zèle pour Dieu eût été de leur laisser le temps de faire acte de contrition. De les disposer à une conversion libre et intime, dont seul Allah connaît les délais et pèse la valeur. La bombe ne les atteint qu'en surface. Pour les toucher au coeur, il faudrait provoquer leur amour.
Au lieu de quoi notre homme les vaporise, se suicide et se prive lui-même d'une heure de repentance. Il meurt dans la présomption, surtout, d'aller ainsi parmi les bienheureux. En appuyant sur un détonateur. Comme si les portes du paradis s'ouvraient sur simple pression d'un bouton (Or c'est ainsi, probablement, que s'ouvre la trappe de l'enfer).
A l'évidence, sa spiritualité ne s'élève pas bien au-dessus de celle des jeux-vidéo. Il n'est pas assez fanatique. Il ne fait pas assez de dégâts à l'impiété. Au contraire il s'enrôle dans ses rangs. Il confond l'extase spirituelle et l'explosion physique, semblable en cela au débauché le plus vulgaire.
A l'évidence, sa spiritualité ne s'élève pas bien au-dessus de celle des jeux-vidéo. Il n'est pas assez fanatique. Il ne fait pas assez de dégâts à l'impiété. Au contraire il s'enrôle dans ses rangs. Il confond l'extase spirituelle et l'explosion physique, semblable en cela au débauché le plus vulgaire.
Il confond le martyre et le suicide, semblable en cela au plus ignare athée. Et dans sa prétention d'atteindre le ciel par ses propres forces, il s'identifie au désespéré qui s'ignore et qui ne cherche plus à l'atteindre : l'un comme l'autre se ferment à la miséricorde d'en haut. Sa mort fait donc un très bon divertissement, mais, malgré toute notre sympathie, et la reconnaissance de son effort pour nous tirer du sommeil, nous devons admettre qu'elle n'est pas réussie."
Fabrice Hadjadj, Réussir sa mort - anti-méthode pour vivre pp.231-232. (2005)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire