Aux Veilleurs de Tréguier

Aux Veilleurs de Tréguier:

En veilleur parmi tant d'autres, je serai avec vous par la pensée! Je voudrais simplement que ces quelques mots vous disent combien votre fidélité est précieuse. Dans notre univers où tout passe, où tout change, où rien ne semble fait pour durer, votre présence suffit à prouver qu'il reste un lieu sur lequel puisse se fonder une espérance; et ce lieu, c'est votre fidélité, c'est la fidélité qui nous unit. Le témoignage qui nous anime n'était pas passager, et notre engagement n'était pas l'affaire d'un moment... Nous ne sommes pas accrochés au passé, au contraire: nous sommes tout entiers présents à l'actualité de ce message. Le sens de la dignité de l'homme, de la femme et de l'enfant; le refus de toute commercialisation du corps; le refus de tout asservissement des esprits; le désir de rappeler la beauté et la fécondité de la famille: voilà ce qui nous réunit, et qui est plus actuel, plus profondément actuel que les opinions de circonstances successivement adoptées par l'univers médiatique et politique d'un pays qui semble avoir perdu tout cap.

C'est à cette actualité de toujours que nous voulons rester toujours fidèle.

Nous le savons bien - et ici, en Bretagne, vous le savez mieux que quiconque: le flux et le reflux, les marées, les variations du ciel, des vents et des saisons, le froid et le chaud, la pluie, la bruine et la brume, le calme plat qui fige tout comme la tempête qui agite l'océan, rien de tout cela ne parvient à ébranler le phare, s'il est bien ancré sur le rocher. Rien ne le détourne de sa mission. Quand la nuit semble tomber sur une société tout entière, il faut la fidélité silencieuse des gardiens de phares pour allumer dans l'obscurité une toute petite flamme dont la signification mystérieuse suffit à éviter bien des naufrages. Il faut la présence fidèle des hommes qui, dans la nuit, gardent la lumière allumée, pour veiller sur les autres hommes qui tentent de trouver un chemin dans la pénombre... Merci d'être ces veilleurs; merci pour votre fidélité! (François-Xavier Bellamy, 22 novembre 2014).

mardi 27 janvier 2015

"Au fond, le terrorisme est une solution un peu molle"

Au fond, le terrorisme est une solution un peu molle. Ses mollahs manquent de flamme.
Les islamistes ne sont pas assez musulmans, c'est-à-dire, selon l'étymologie, soumis à Dieu. Ils seraient plutôt soumis au monde. Les opérations suicides, surtout, ne sont que l'effervescence de la tiédeur : on ne supporte pas la longueur du combat, on cherche le repos au plus vite, et de même que le bourgeois croit atteindre le bonheur par son argent, l'homme-bombe pense s'ouvrir le ciel à coups d'explosifs.
La première lâcheté, ici, c'est de ne même pas rester pour assumer les conséquences de son acte. Le "volontaire de la mort" est en vérité un fuyard. Il craint de regarder son crime en face. [...] Ensuite, l'homme-bombe prétend s'ériger contre la société marchande et spectaculaire, mais il lui est assujetti.
De fait, cette société récupère spécialement le spectacle du terrorisme. Il lui procure des milliers d'heures d'images et d'émissions captivantes. Elles égayent les soirées familiales autour des raviers de pop-corn et de chips. Elles font monter le prix des espaces publicitaires. Si bien que l'opération suicide se change en opération commerciale, et l'homme-bombe devient lui-même une marchandise. Au reste, sa récupération est volontaire : "les terroristes veulent beaucoup de spectateurs, et non beaucoup de morts" (Brian Jenkins)
Le nombre des victimes n'a de valeur que dans la mesure où il fait monter l'audience. Un égorgement bien diffusé vaut mieux que cent mille morts sans caméra. [...]
Le terroriste islamiste croit être soumis à la loi de Dieu, mais il est soumis et soumet les autres à la loi du marché. Il croit être l'adversaire de l'Occident capitaliste et impie, et il n'en est que le reflet.
Enfin, l'homme-bombe manque de zèle et de foi.
Il tue des innocents, sans doute, mais même s'il devait tuer des criminels, le zèle pour Dieu eût été de leur laisser le temps de faire acte de contrition. De les disposer à une conversion libre et intime, dont seul Allah connaît les délais et pèse la valeur. La bombe ne les atteint qu'en surface. Pour les toucher au coeur, il faudrait provoquer leur amour.
Au lieu de quoi notre homme les vaporise, se suicide et se prive lui-même d'une heure de repentance. Il meurt dans la présomption, surtout, d'aller ainsi parmi les bienheureux. En appuyant sur un détonateur. Comme si les portes du paradis s'ouvraient sur simple pression d'un bouton (Or c'est ainsi, probablement, que s'ouvre la trappe de l'enfer).
A l'évidence, sa spiritualité ne s'élève pas bien au-dessus de celle des jeux-vidéo. Il n'est pas assez fanatique. Il ne fait pas assez de dégâts à l'impiété. Au contraire il s'enrôle dans ses rangs. Il confond l'extase spirituelle et l'explosion physique, semblable en cela au débauché le plus vulgaire.
Il confond le martyre et le suicide, semblable en cela au plus ignare athée. Et dans sa prétention d'atteindre le ciel par ses propres forces, il s'identifie au désespéré qui s'ignore et qui ne cherche plus à l'atteindre : l'un comme l'autre se ferment à la miséricorde d'en haut. Sa mort fait donc un très bon divertissement, mais, malgré toute notre sympathie, et la reconnaissance de son effort pour nous tirer du sommeil, nous devons admettre qu'elle n'est pas réussie."
Fabrice Hadjadj, Réussir sa mort - anti-méthode pour vivre pp.231-232. (2005)

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