Aux Veilleurs de Tréguier

Aux Veilleurs de Tréguier:

En veilleur parmi tant d'autres, je serai avec vous par la pensée! Je voudrais simplement que ces quelques mots vous disent combien votre fidélité est précieuse. Dans notre univers où tout passe, où tout change, où rien ne semble fait pour durer, votre présence suffit à prouver qu'il reste un lieu sur lequel puisse se fonder une espérance; et ce lieu, c'est votre fidélité, c'est la fidélité qui nous unit. Le témoignage qui nous anime n'était pas passager, et notre engagement n'était pas l'affaire d'un moment... Nous ne sommes pas accrochés au passé, au contraire: nous sommes tout entiers présents à l'actualité de ce message. Le sens de la dignité de l'homme, de la femme et de l'enfant; le refus de toute commercialisation du corps; le refus de tout asservissement des esprits; le désir de rappeler la beauté et la fécondité de la famille: voilà ce qui nous réunit, et qui est plus actuel, plus profondément actuel que les opinions de circonstances successivement adoptées par l'univers médiatique et politique d'un pays qui semble avoir perdu tout cap.

C'est à cette actualité de toujours que nous voulons rester toujours fidèle.

Nous le savons bien - et ici, en Bretagne, vous le savez mieux que quiconque: le flux et le reflux, les marées, les variations du ciel, des vents et des saisons, le froid et le chaud, la pluie, la bruine et la brume, le calme plat qui fige tout comme la tempête qui agite l'océan, rien de tout cela ne parvient à ébranler le phare, s'il est bien ancré sur le rocher. Rien ne le détourne de sa mission. Quand la nuit semble tomber sur une société tout entière, il faut la fidélité silencieuse des gardiens de phares pour allumer dans l'obscurité une toute petite flamme dont la signification mystérieuse suffit à éviter bien des naufrages. Il faut la présence fidèle des hommes qui, dans la nuit, gardent la lumière allumée, pour veiller sur les autres hommes qui tentent de trouver un chemin dans la pénombre... Merci d'être ces veilleurs; merci pour votre fidélité! (François-Xavier Bellamy, 22 novembre 2014).

mardi 18 février 2014

Pédophilie éducationnelle

Extrait de : http://institutdeslibertes.org/pedophilie-educationnelle/

Il y a deux périodes bénies dans la vie où le sexe nous fout la paix, la vieillesse (enfin je l’espère, je n’y suis pas encore arrivé, mais je fais des progrès notables)… et l’enfance.
Quand j’étais enfant, avant que le traumatisme de la puberté ne m’atteigne, je courais derrière un ballon,  je montais aux arbres, je mettais des claques à mon frère qui me les rendait avec beaucoup d’allégresse, je lisais tout ce qui me tombait sous la main en n’en comprenant pas  la moitié, bref c’était le bonheur total surtout pendant les vacances qui duraient une éternité. Le seul point noir dans ma vie étant qu’il fallait aller à l’école pour y être enfermé dans le but tout à  fait incompréhensible d’essayer de m’apprendre quelque chose. L’avantage de l’école était qu’aux récréations, je retrouvais toute une série de copains et que l’on pouvait se mettre des claques, grimper aux arbres, courir derrière un ballon (voir plus haut)…
Pour plus de détails sur ma petite enfance, relire Le Petit Nicolas de Sempé et Goscinny ou Le Château de ma Mère de Marcel Pagnol.
De l’autre côté de la rue, il y avait une autre école , réservée à une autre sorte d’enfants, habillée différemment,  qui en général terminaient la journée aussi propres qu’elle l’avait commencée et dont on nous disait qu’elle s’appelait « des filles ».Je savais que cette  autre sorte d’enfants existait puisque j’avais deux grandes sœurs plus âgées que moi à la maison, mais dans l’ensemble les relations entre les deux écoles étaient ténues et les invitations croisées dans les goûters d’anniversaire assez rares en ces temps anciens. Mais je peux assurer le lecteur que s’il y avait une chose qui ne nous préoccupait pas, c’était « le sexe ». En fait, la puberté commençant à rôder, l’un de mes copains me raconta un jour sous le sceau du secret comment cela se passait entre un homme et une femme. Je sortis de cette conversation complètement certain que mon copain racontait n’importe quoi pour se rendre intéressant.
Etait-ce bien? Etait-ce mal? Je n’en sais rien, mais en tout cas je ne changerai pas mon enfance pour celle des petits garçons ou des petites filles actuels (ou devrais-je écrire actuelles? Grave question, après tout le masculin doit-il toujours grammaticalement l’emporter sur le féminin?).
Et avoir une enfance heureuse est de loin le plus beau cadeau que des adultes puissent faire à un enfant…
En effet, dans « la Fabrique de Crétins » qu’est devenue l’Education Nationale, une série d’obsédés sexuels et de pédophiles enragés a, à l’évidence, pris le pouvoir au Ministère et veut à tout prix « informer » les pauvres gamins sur ce qui sera sans aucun doute la grande histoire de leur vie, LE SEXE. Le fait qu’une grande partie de nos enfants arrivent en sixième en ne sachant ni lire ni écrire ni compter ne les préoccupe guère en revanche.
L’essentiel  c’est d’être certain, vraiment certain qu’à 12 ans, aucun d’entre eux  n’ignore rien de l’homosexualité, du Kâma-Sûtra et de tous ces choix qui s'offrent à eux.  Certes, On a  les priorités qu’on peut…Et c’est cette volonté de ne rien laisser ignorer aux enfants des « choses de la vie » que j’assimile  à de la pédophilie éducationnelle…
Qu’est donc que la pédophilie, la vraie ?
Apparemment un certain nombre d’adultes ne supportent pas cet « âge de l’innocence » et cherchent à imposer leurs fantasmes sexuels à ces innocents. Et les petites victimes en sortent abîmées à jamais. Et cela est monstrueux.
La pédophilie éducationnelle est bien sûr différente. La relation physique n’est pas le but recherché. L’idée ici est d’introduire dans l’esprit de l’enfant des informations appartenant au monde des adultes de façon à  ne rien lui laisser ignorer de ce qui l’attend plus tard.
Mais l’horrible chose est que l’enfant n’est pas équipé physiquement pour « traiter » cette information. Etre mis au courant de faits sur lesquels on n’a aucune prise ne peut être que générateur d’angoisses et de troubles.
Ce que les pédophiles font souffrir aux corps des enfants, les pédophiles « éducationnels » le font souffrir   à leurs esprits…Et cela est monstrueux également, comme le Christ nous le dit, sans ambages.
« Mais, si quelqu’un scandalisait un de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu’on suspendît à son cou une meule de moulin, et qu’on le jetât au fond de la mer. »
Mathieu 18.6
Mais qui donc sont ces pédophiles éducationnels ?
Aussi curieux que cela paraisse, ce ne sont pour ainsi dire jamais des enseignants "du terrain ".Ils ne voient que fort rarement un enfant. Les enfants ne les intéressent pas. Ce qui les passionne, c’est de transformer la nature profonde de ceux que leurs parents sont bien forcés de leur confier, leurs enfants.
Ce sont la plupart du temps des "intellectuels", des politiques,  des syndicalistes appartenant à l’administration  de l’Education Nationale,  des « chercheurs » à l’Université ou au CNRS, qui vont de comité Théodule en comité Théodule, de congrès international en congrès international où ils retrouvent ceux qui pensent comme eux et où l’on parle non pas d’éducation ou d’enseignement, mais de « changer la nature humaine », ambition totalitaire par excellence, qui a  déjà fait  des centaines de millions de morts depuis le XVIIIe siècle, quand cette idée bizarre est apparue pour la première fois.
Parler de Liberté en envoyant ceux qui ne sont pas d’accord au Goulag a toujours été la caractéristique de ceux qui veulent faire le bonheur du genre humain en changeant la nature de l’homme.
Nos pédophiles éducationnels font donc partie d’une longue lignée "gauche ", qui commence avec les massacres de la Convention pour se terminer avec le Cambodge ou la Corée du Nord, en passant par Marx, Staline…
Il est rare  que nos pédophiles aient des enfants eux-mêmes, et s’ils en ont , comme l’illustre Bourdieu qui a écrit de multiples livres sur l’école comme moyen de transmission du Pouvoir par la classe dominante, ils les font inscrire à  Henri IV à  Paris, la matrice de l’Elite par excellence, ce que ce Lycée ne pouvait lui refuser puisqu’il était Professeur au Collège de France.
Leur Dieu philosophique est Rousseau, qui a beaucoup écrit sur l’éducation à donner aux enfants, tout en abandonnant ceux qu’il avait faits à sa domestique aux bons soins l’assistance publique, alors gérée par l’Eglise Catholique, dont il disait le plus grand mal. Faire des enfants, les abandonner, dire du mal de ceux qui les ont recueillis tout en écrivant des traités sur l’Education, on comprend que la Gauche adore Rousseau.  Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais…
Quelle est la solution, va me demander le lecteur?
Elle est simple.
Comme  le dit le proverbe Chinois "Les poissons commencent toujours à  pourrir par la tête".
Et donc quand une structure est centralisée, si des forces mauvaises en prennent le contrôle, le pouvoir immense que permet cette centralisation peut créer des dégâts gigantesques comme on l’a vu avec l’Union Soviétique, l’Allemagne Nazie, et maintenant avec l’Education Nationale Française…
Partons de deux constatations:
1.       La tête de notre système éducatif  est pourrie comme jamais.
2.       La changer est impossible politiquement.
Il faut donc non pas couper cette tète, mais en faire une tête parmi d’autres et créer de très nombreuses autres têtes pour permettre de vraies expériences. Il faut donc décentraliser notre Education Nationale pour que ces gens en perdent le contrôle et rendre le contrôle du système éducatif à ceux qui ont des enfants, c’est-à-dire aux parents, par l’intermédiaire du chèque éducation comme cela a été le cas en Suède qui a fort bien réussi cette transformation.
Et les parents pourront, s’ils le veulent, mettre leurs enfants dans les écoles qui suivront les idées de mes pédophiles éducationnels. Je ne doute pas de leur succès.

Charles Gave

Commentaires

1.        Anne Lys dit :  11 février 2014 à 18 h 24 min
« Leur Dieu philosophique est Rousseau, qui a beaucoup écrit sur l’éducation à donner aux enfants, tout en abandonnant ceux qu’il avait faits à sa domestique aux bons soins de l’assistance publique, alors gérée par l’Église Catholique, dont il disait le plus grand mal. Faire des enfants, les abandonner, dire du mal de ceux qui les ont recueillis tout en écrivant des traités sur l’Éducation, on comprend que la Gauche adore Rousseau. Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais… » Charles Gave
Je crois que c’est beaucoup plus pervers que cela. La théorie de Rousseau, ce n’était pas : « L’homme est naturellement bon. La société où nous vivons le pervertit », c’est « L’homme est naturellement bon, c’est de vivre en société qui le pervertit. »
Pour lui c’est TOUTE société, quelle qu’elle soit, tout lien entre deux individus, qu’il estime perverse. Selon lui, le lien entre un homme et une femme doit être privé de tout aspect affectif et se réduire au strict nécessaire pour engendrer un enfant, après quoi toute relation doit être rompue ; de même l’enfant doit être enlevé à sa mère dès sa naissance, pour être élevé par l’État.
«L’homme, par nature, n’est pas un animal social et politique doué de raison…. Ce n’est qu’au moment où, par un « accident » inexplicable, un homme dut s’associer avec un autre, que son autonomie semblable à celle d’un dieu prit fin.
« L’homme est bon par nature », disait Rousseau, mais d’une façon ou d’une autre nous sommes tombés de cet état de nature. Ce que l’homme est devenu est le résultat non de la nature mais de cet « accident », qui d’une certaine manière a également déclenché son usage de la raison. Rousseau insiste sur le caractère accidentel de l’association de l’homme au sein de la société pour mettre l’accent sur son caractère non naturel et artificiel. « Elle n’était pas nécessaire. Mieux : elle n’aurait jamais dû se produire. » …. . »
Rousseau a décrit ainsi l’avenir radieux qu’il envisage: « Chaque personne serait alors totalement indépendante par rapport à tous les autres hommes, et dépendrait totalement de l’État ». C’est donc l’individu seul, sans aucun lien « naturel » avec aucun autre être humain, mais dépendant totalement de l’État, qui constitue l’état idéal auquel aspirent ceux qui, aujourd’hui, en première étape, nous imposent le « mariage gay ».
Il est difficile de voir dans une telle organisation quelque chose qui diffère des pires totalitarismes et seule une confiance aveugle de ceux qui n’ont pas lu Rousseau envers ceux qui, l’ayant lu, ont grandement déformé sa pensée pour en faire une bénigne admiration de « l’état de nature » et une dénonciation de la société de son temps seulement, peut expliquer la vénération dont on entoure le rousseauisme, alors qu’on n’en partage nullement les principes.
Et il est tout à fait exact que c’est le rousseauisme bien compris, celui qui tient compte de ces textes et non de l’idée que l’on s’en fait communément, qui a fait le lit du nazisme et du communisme bolchevique… et aujourd’hui celui du totalitarisme socialiste qui a la même ambition d’isoler totalement les êtres humains, dès l’enfance, pour qu’ils dépendent de l’État (qu’ils comptent bien diriger) et seulement de l’État, sans pouvoir s’appuyer sur des corps intermédiaires comme la famille…

Commentaire du commentaire :

 Par Cécile :
Le commentaire est intéressant, mais à mon avis pas tout à fait exact. Ce qui est juste c’est que la société est vue par Rousseau comme un accident, que nous aurions tout aussi bien pu vivre sans, et sans doute que nous aurions mieux fait. Mais il faut distinguer ce que Rousseau dit de l’état de nature de ce qu’il dit de la société (ce qui n’est pas très clair dans le commentaire). Le contrat social est fondé pour Rousseau sur une libre association d’individus. Là je rejoins le commentaire : il s’agit de supprimer tout corps intermédiaire et de considérer le citoyen comme un individu sans attaches, un atome. D’où la suppression des corporations et des syndicats dans la France post-révolutionnaire. La république une et indivisible, c’est tiré de Rousseau. L’homme bon par nature est aussi à expliquer. En réalité ce que veut dire Rousseau c’est que l’homme est « amoral » tant qu’il est à l’état de nature. Sa conscience morale n’est pas développée, il se contente de suivre son instinct ; mais comme la nature est bonne, son instinct est bon. On peut dire que l’homme à l’état de nature est bon comme n’importe quel animal est bon ; le fait est qu’on n’a jamais vu des animaux se livrer à des génocides, on ne les a jamais vus ouvrir des hôpitaux non plus. Ce qui est intéressant c’est la « bonté de la nature » qu’évoque Rousseau. C’est vrai, il a tendance à la diviniser. Mais c’est un bon argument contre ceux qui estiment qu’on ne peut tirer aucune loi de l’ordre naturel. Je ne suis pas certaine que Rousseau approuverait la théorie du genre. En ce qui concerne la soumission à l’Etat, là aussi il y a un raccourci dans votre commentaire. Pour Rousseau c’est à la volonté générale qu’on se soumet. Il s’agit d’abandonner la totalité de ses droits naturels (compris ici au sens de droit de l’homme à l’état de nature, c’est-à-dire un droit sur toute chose) au profit de tous. Ce que j’abandonne d’un côté je le gagne de l’autre. Et la volonté générale est nécessairement juste parce qu’elle est la volonté de tous. Dans ce système nous sommes libres puisque nous n’obéissons en réalité qu’à nous-mêmes : « la loi qu’on s’est prescrite est liberté » dit Rousseau. Concrètement, lorsqu’il s’agit de prendre une décision, je n’ai pas intérêt à ce qu’elle soit trop laxiste parce qu’elle va profiter aux autres, je n’ai pas intérêt à ce qu’elle soit trop rigoureuse parce qu’elle s’appliquera aussi à moi. C’est sur ce principe que repose l’idée que les lois doivent impérativement s’appliquer à tous (d’où les problèmes de la loi sur le voile islamique, de la taxe à 75% ou en d’autres temps du statut de la Corse qui a valu la démission de Chevènement). C’est donc plutôt une application inappropriée de la théorie de Rousseau à des états trop vastes qui conduit à la constitution d’un état tout-puissant auquel doivent se soumettre les citoyens. Rousseau dit aussi que celui qui refuse de se soumettre à la volonté générale, « on le forcera d’être libre ».  LA question c’est comment déterminer la volonté générale ? Et c’est là qu’on voit émerger l’idée d’intérêt général par opposition à celle du bien commun. La volonté générale résulte de l’abandon des volontés particulières. Mais elle ne vise pas un bien commun. On ne sait pas trop ce qu’elle vise. D’où la critique assez juste des anarchistes qui disent que ce terme de volonté générale est un monstre sacré, une idée creuse à laquelle on sacrifie les individus. Mais à la décharge de Rousseau celui-ci était farouchement opposé à la démocratie représentative, estimant que les représentants pouvaient toujours confisquer le pouvoir à leur profit. Il disait même qu’à tout prendre il préfère le système de Hobbes (Etat fort, inégalité entre le souverain et les citoyens) à une mauvaise démocratie. Ce qu’il avait en vue c’est une petite cité, à la rigueur quelque chose qui ressemble au système suisse, mais certainement pas la grosse machine de notre pays.
En résumé : les 3 défauts de Rousseau sont les suivants :
·         Considérer la société comme contractuelle et non pas comme naturelle.
·         Fonder la société sur l’individu atomisé et non pas sur la famille.
·         Conséquence : le droit naturel est aboli au profit du droit positif qui ne résulte que d’un consensus.
La dérive totalitaire qui peut en résulter est en effet l’atomisation des individus qui sont sans défense de ce fait devant le monstre étatique. La critique de votre commentaire même si elle mériterait quelques étapes de plus dans le raisonnement, de ce point de vue est juste.
Un livre à conseiller sur ce sujet : Les origines du totalitarisme d’Arendt. Ou bien La crise de la culture.

 « Le totalitarisme diffère par essence des autres formes d’oppression politique que nous connaissons, tels le despotisme, la tyrannie et la dictature. (…) L’arbitraire du pouvoir, son affranchissement à l’égard des lois, son exercice au profit du gouvernant, nuisible aux intérêts des gouvernés – telles ont été, tout au long de notre tradition, les marques distinctives de la tyrannie. Avec le règne totalitaire, nous sommes en présence d’un genre de régime totalement différent. Il brave, c’est vrai, toutes les lois positives, jusqu’à celles qu’il a lui-même promulguées, mais il n’opère jamais sans avoir la loi pour guide, et il n’est pas non plus arbitraire : car il prétend obéir rigoureusement et sans équivoque aux lois de la Nature et de l’Histoire, dont toutes ses lois positives sont censées sortir…
            Telle est la prétention monstrueuse du régime totalitaire que, loin d’être « sans lois », il est tout à fait prêt à sacrifier les intérêts vitaux immédiats de quiconque à l’accomplissement de ce qu’il prétend être la loi de l’Histoire ou celle de la Nature. La loi de la Nature, selon laquelle ne survivent que les plus aptes, ou celle de l’Histoire, d’après laquelle survit la classe la plus progressive, pour peu qu’elles soient correctement exécutées, sont censées avoir la production du genre humain pour ultime produit ; et c’est cette espérance qui se cache derrière la prétention de tous les régimes totalitaires à un règne planétaire. La politique totalitaire veut transformer l’espèce humaine en un vecteur actif et infaillible d’une loi à laquelle, autrement, les hommes ne seraient que passivement soumis.
            Dans l’interprétation totalitaire, toutes les lois sont devenues des lois de mouvement. Quand les nazis parlent de la loi de la Nature ou que les Bolcheviks parlent de celle de l’Histoire, ce sont en elles-mêmes des mouvements. Sous-jacente à la croyance des nazis en des lois de la race qui seraient l’expression en l’homme de la loi naturelle, se trouve l’idée de Darwin selon laquelle l’homme serait le produit d’une évolution naturelle qui ne s’arrête pas nécessairement à l’aspect présent de l’espèce humaine. Il en va exactement de même chez les Bolcheviks : leur croyance en la lutte des classes comme expression de la loi de l’histoire repose sur la conception marxiste de la société comme produit d’un gigantesque mouvement historique qui, selon sa propre loi interne, se précipiterait vers la fin des temps historiques où il s’abolirait lui-même. Engels nommait Marx le « Darwin de l’histoire ».
            La terreur est la réalisation de cette loi du mouvement ; son but principal est de faire que la force de la Nature ou de l’Histoire puisse emporter le genre humain tout entier dans son déchaînement, sans qu’aucune forme d’action humaine spontanée ne vienne y faire obstacle. Aucun acte libre, qu’il soit d’hostilité et de sympathie, ne peut être toléré, qui viendrait faire obstacle à l’élimination de l’ennemi objectif de l’Histoire ou de la Nature, de la classe ou de la race. Culpabilité et innocence deviennent des notions dépourvues de sens : « coupable » est celui qui fait obstacle au progrès naturel ou historique, au nom duquel condamnation a été portée des « races inférieures », des individus « inaptes à vivre », des « classes agonisantes et des peuples décadents ». La terreur, comme réalisation d’une loi du mouvement dont la fin ultime n’est ni le bien-être des hommes, ni l’intérêt d’un homme, mais la fabrication du genre humain, élimine l’individu au profit de l’espèce, sacrifie les « parties » au profit du « tout ». La Nature ou l’Histoire ont leur propre commencement et leur propre fin, de sorte que seuls peuvent l’entraver ce nouveau début et cette fin individuelle qu’est en vérité une vie d’homme ».
Hannah Arendt, Les origines du totalitarisme, t.3 : Le système totalitaire, chap.IV « Idéologie et terreur : un nouveau type de régime », Seuil, 1972



 

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